Tuesday, April 17, 2007

Article publié par le journal L'express dimanche, le Dimanche 15 avril 2007 - No. 16124

Paysages travaillés, sublimés ou aide-mémoire visuel

Les amateurs de Beaux-Arts sont gâtés en ce moment. Geeta Mohit Pusun et ses Clins d’œil, Jacques Désiré Wong So et ses paysages rodriguais, Jacques Mazière et ses cultures ou encore Nathalie Périchon et ses Mille et une paillettes exposent dans différentes galeries de l’île. Un vrai régal pour les yeux.


















Ci-dessus deux œuvres de Ge
eta Mohit Pusun, exposées à la Maison de l’Alliance française, à Bell-Village.Ci-contre, une peinture de Désiré Wong So que vous pouvez admirer à la galerie Max-Boullé.

Une coïncidence purement temporelle offre présentement aux amateurs de Beaux-Arts trois expositions artistiques.
Il s’agit de Clins d’œil, exposition des œuvres principalement paysagistes de Geeta Mohit Pusun, jusqu’au dimanche 22 avril, à la Maison de l’Alliance française à Bell-Village, de celle de paysages rodriguais de Jacques Désiré Wong So, à la galerie Max Boullé, délogée au Foyer du théâtre municipal de Rose-Hill, et enfin de celle de Jacques Mazière à la galerie Malcolm de Chazal, Lakepoint, hôtel de ville de Curepipe. À cela s’ajoute l’exposition Mille et une paillettes de Nathalie Périchon, accessible aux amateurs de belle peinture décorative jusqu’à demain, à La Pointe Tamarin Art and Music Centre, avenue du Marché, Tamarin.

La Rivière-Noire est d’ailleurs omniprésente dans les clins d’œil de Geeta Mohit Pusun. Elle nourrit visiblement une affection particulière pour ce Morne qu’on dit totémique, la tourelle de Tamarin, les fours à chaux de cette localité. Une affection particulière que ses pinceaux ont d’ailleurs du mal à traduire et à exprimer, tant elle nous paraît confuse et tourbillonnante.

De la trentaine d’œuvres exposées, notre préférence va sans hésiter à deux toiles aux titres abstraits, voulant à la fois tout et rien signifier. Il s’agit de Sublimal I et II. Notre artiste y fait enfin preuve d’une économie de moyens et d’expression qui la rapproche d’autant du... sublime. Sur un fond à la fois neutre et magnifiant, un jade presque irisant, elle grave en quelque sorte un labyrinthe, fait des contours d’une multitude de poissons stylisés. L’ensemble forme un entrelacs aux effets les plus réussis.

Autant de détails que de paillettes


On aurait souhaité que ses autres œuvres manifestent la même retenue, tant au niveau des moyens d’expression que du désir fondamental de l’artiste à transcrire sur sa toile. La vie nous fait voir autant de détails que de paillettes dans les chefs-d’œuvre de Nathalie Périchon. L’artiste doit savoir choisir la plus belle pour nous la montrer dans toute sa splendeur, en la magnifiant même au besoin.

On peut également retenir, en faisant abstraction d’une certaine lourdeur empâtée, au niveau de l’expression, une tourelle de Tamarin, se mirant dans la rivière du même nom et que ceinture un pont blanc comptant parmi les plus réussis de l’île. L’ensemble de la toile hésite cependant entre une ombre de pourpre prometteuse et une zone ensoleillée trop vive pour ne pas plonger le contemplateur dans la plus grande des confusions.

Le Sauveur crucifié, non pas sur la Croix symbole de l’Arbre de la Vie mais à l’Église même (le bâtiment de Notre-Dame de l’Immaculée Conception en l’occurrence), dans sa double réalité hiérarchique et peuple de Dieu, retient l’attention en raison, non pas de ses qualités graphiques, mais bien de la valeur symbolique que cette œuvre dégage.

Doit donc nous interpeller ce Christ crucifié à son Église, tête et corps mystique, ce Christ cloué par une accaparation religieuse folklorique pour ne pas dire raciste, ce Christ paralysé car lié pieds et mains par des parasites religieux au point de ne plus pouvoir faire entendre son message évangélique à l’ensemble des nations représentées à Maurice, au point, et c’est là le plus grave, de ne plus pouvoir faire entendre aux générations montantes son appel au plus grand amour fraternel et à la plus grande perfection morale.

L’œuvre interpelle donc pour peu que les responsables acceptent avec l’humilité voulue de se mettre en examen de conscience. Ce rappel visuel du « Malheur à moi si je n’évangélise pas » paulinien, pour Rs 12 000, ce n’est pas cher donné, surtout s’il est capable de remettre perpétuellement en question nos fausses certitudes.

De ce Christ, que son Église crucifie lamentablement, il nous est bon de nous transporter à la contemplation de la Pieta de Luz de ce Mauricien de cœur qu’est Jacques Mazière. Ce Christ, tué de nouveau par les imperfections, dont nous recouvrons, jour après jour, son Évangile d’Amour et de Lumière, au point de le rendre méconnaissable, est au moment de plonger dans un tunnel de Lumière et d’aller siéger de nouveau à la droite de son Père, ce Christ repose une dernière fois sur les genoux de sa mère terrestre.

Cette préfiguration de l’Église, corps du Christ, contemple, avec une tendresse maternelle, ce Fils venu pour sauver notre monde qui ne le reconnaît guère au point de le clouer de nouveau sur la Croix de nos méchancetés quand il nous dérange trop. Avec une habileté, s’inspirant du meilleur Goya, Mazière joue habilement sur les ombres et la lumière pour faire de la galerie Malcolm de Chazal, par la grâce de sa Pieta de Luz, un véritable tabernacle artistique devant lequel nous n’avons qu’à plier les genoux.

De véritables paysages lunaires


Jacques Désiré Wong So étale également son Crucifié, en la personne d’une population rodriguaise, aussi exposée que le sol natal aux intempéries de toutes sortes, au point de sortir de ces tourments climatiques et événementiels comme de véritables paysages lunaires, ne recélant plus aucune vie possible.

Tout cela n’est pas toujours très réjouissant, ni adéquatement exprimé sur la toile, exception faite pour Jacques Mazière. Cela donne toutefois à réfléchir et surtout aide à éprouver nos fausses certitudes. Il en va certes d’abord de la responsabilité de nos grands dirigeants. Nous pouvons hâter leur éventuelle conversion, en commençant par opérer la nôtre. Et là, sûr de sûr, cela ne dépend que de nous et de notre capacité d’apprendre des signes des temps. En serons-nous seulement capables ?

Yvan MARTIAL

1 comment:

Anonymous said...

hi, new to the site, thanks.